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Lettre à Léonard

Vas-tu me croire, Léonard, si je te dis que
Clandestiner n'est peut-être pas une si brillante idée ?
Thierry et moi n'arrêtons pas de nous figurer ces frères qui se la coulent
Douce dans ces Eldorados, les devises clinquantes ou froissées dans les poches
Sans ambages ni diplômes, nous plions souvent bagages dans nos cœurs
L'esprit aventurier ne s'effraie pas devant les os de Gilbraltar
Ce détroit sensible entend chaque jour nos cris de détresse
Sans stress, il nous conduira aux berges  espagnoles d'un doux reflux
Quoi que des fois ces houles  de mauvaise humeur
Nous mènent au tréfonds à rencontrer trépas.


L'histoire veut que quelques uns foulent toujours terre promise
Alors, après Madrid, l'objectif est la cosmopolite Marseille
Comme nous ignorons chanter la bonne vieille Marseillaise
Nous dépensons tous nos zéros à plaire aux jeunes Marseillaises
Plus de sous, nous faisons des tâches au noir réservées aux noirs
Ou choisir entre la prison du chômage et l'asile de la drogue
Black de peau, blanc de poudre.
Dans notre entourage, on en saupoudre
Nous sommes couverts par le sport, la musique ou le cinéma
Cette voie toute tracée nous fait voyager
Le chanvre sous l'aile, nous survolons la Colombie telles d'innocentes colombes
Notre malheur, ces courts voyages dans des pays très étroits
Juste quatre murs et barreaux, sans ministère du tourisme
Notre pire, un long voyage sans retour lors d'une rixe entre dealers
Un corps criblé de balles étendu à même l'asphalte
Baignant dans son hémoglobine épaisse éparse
Presque inerte, en train d'être ravi de son souffle
Parti gagner sa vie, voilà comment on l'aura perdue


Heureux encore que toutes les aventures ne s'achèvent pas ainsi
Car chacun de nous a ce frère qui vit honnêtement sous ces cieux
Et là, tu peux me croire, Léonard, cela fait plaisir.

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